Une chatte sur le toit
La photo n’est pas belle. Que reste-t-il aujourd’hui ? La voiture a été vendue, la chatte n’est plus. Les vaches aussi ont été vendues, tuées, découpées et mangées. Les feuilles du gros chêne sont tombées envolées par le temps, décomposées, retournées à la terre. Je ne vois rien sur cette photo, rien de la petite maison perdue dans les prés derrière l’horizon. Petite maison isolée sans chemin pour y aller. Elle me faisait rêver. Un jour je me disais je l’achèterai, j’y ferai mon atelier. Je ne mettrai pas l’électricité, juste des bougies pour vaciller. Je vivrai à la lumière du jour. Je m’éloignerai des bruits artificiels, je garderai ceux de la vie, du soleil à la tombée de la nuit. Mais il y a eu les bandes blanches à ne pas dépasser, les rambardes mises en garde sur l’autoroute de la vie. Les vitres teintées ont filtré mes émotions, reléguant mes rêves au rez-de-chaussée. Les couleurs ont changé. J’ai changé l’horizon. Je suis restée dans la grande maison. J’ai une autre chatte, la fille de celle du toit, elle dort dans le canapé. Jour d’hiver toutes les feuilles du chêne sont tombées. Je me suis échappée de la photo. Dix ans après je suis allée appuyer ma tête sur le gros tronc du chêne. Au loin de l’horizon un trait peut-être un toit. La petite maison, est-ce que je pourrais encore l’acheter, débroussailler tout ce qui m’a encombré, redonner vie à mes rêves ou bien dormir dans le canapé.
Hier sur mon sous-main planisphère, j’ai collé une petite pensée trouvée dans une papillote de Noël « Si vous voulez que vos rêves se réalisent, ne dormez pas ». Aujourd’hui j’ai envie d’ajouter : montez sur le toit !