Des boutiques aux milles pierres précieuses
nous emmènent jusqu’à son coeur.
L’ombre des statues, la hauteur des marches, la grandeur des portes nous offrent son monde infini.
Il y a longtemps un pont traversait son voile de dentelle.
L’air était léger. On respirait l’ovale des choses qui s’étire avec avec le temps.
Les jardins vivaient la nuit sous les lumières éclairées des étoiles. La jeunesse venait y rêver, y bavarder, on y divulguait des secrets. A l’aube, les fontaines réveillaient les bouches asséchées de ceux qui avaient trop parlé.
Sur le pas de leur porte, les plus âgés étaient assis et restaient là la journée.
Eux seuls prenaient le temps de raconter.
On les appelait les « Assagis ».
Eux aussi ils s’étaient cru tout permis.
Eux aussi ils avaient vécu la nuit.
Eux aussi ils s’étaient réveillés la bouche à l’eau des fontaines.
A la vie avancée ils s’étaient réunis et avaient exigé qu’il y eût des fontaines dans tous les quartiers de la ville. Par mesure d’hygiène on y ajouta des crachoirs. Il faut pouvoir se laver la bouche à tout moment de la journée disaient-ils. Il faut même se la laver 7 fois avant de parler.
Au fil des années inexplicablement, la planète se réchauffa et le soleil assécha toutes les fontaines.
Les « Assagis » décidèrent que les habitants ne parleraient plus. Le silence enveloppa la ville. Chacun ne s’adressant plus qu’à lui-même se mit à cultiver son « langage secret ». Certains taillaient, bouturaient leurs phrases. Quelques uns les laissaient pousser sans jamais les arrêter, sans points, sans virgules : le lierre des mots les envahirent et ils moururent étouffés.
D’autres y trouvèrent leur bonheur. Nul ne les contrariait.
Quand trop de sérénité les envahissait, ils se fustigeaient avec quelques adjectifs exclamatifs !
Il y avait aussi les «poètes ». Leur langage variait selon les saisons. Pendant l’hiver assemblage de mots. Au printemps semis et plantation de l’alphabet dans les boîtes à idées.
L’été bonheur de regarder pousser.
A l’automne cueillette, classement des sujets et attribution des couleurs pour illuminer l’hiver.
Tous en silence vivaient en paix et étaient toujours occupés dans leur « jardin secret ».
Une nuit toute la ville fût réveillée.
La dentelle qui l’enveloppait fût déchirée par des éclairs et l’eau roula sous le pont.
Les fontaines se remirent à couler.
On les admirait, mais on avait oublié à quoi elles servaient. Les crachoirs étaient vides.
On ouvrit toutes les boîtes à idées. On se mit à cultiver des vraies graines, à vendre les récoltes, à commercer, à prospérer. Une nouvelle vie avait commencé.
On crut qu’il fallait remercier les cieux et on se mit à jeter des pièces de monnaie dans les crachoirs des fontaines : « ça porte bonheur et un instant on est heureux » disaient les vieux.