Pour quelques jours dans la maison d’à côté, Lui, le grand reporter, capteur d’images,
voleur d’impression, voyageur du monde, est là pour ne rien faire.
Elle, sa voisine la jardinière, une tasse à la main, à l’aube d’une nouvelle journée, boit de petites gorgées de café en avançant dans ses allées, son jardin dans les yeux, le visage heureux.
Il l’observe.
Elle passe le plus clair de son temps à l’extérieur. Elle transporte des pots, les nettoie, les remplit de terre, de plantes,
les regarde comme ses joies, ses espérances.
Elle est l’héroïne de son jardin, la chef de ses troupes : avec quels battements de coeur, avec quels soins émus elle taille, lustre, rassemble. Il y a les myrtes, la lavande, le romarin, le thym, le serpolet, l’olivier, les cactées alignées.
Sous le jour discret des étoiles, elle lui parle de ses chênes, des broussailles qu’elle veut dompter, des allées à inventer, des nouvelles fleurs à planter, des odeurs à respirer.
Il essaie de capter son infini. Elle lui dit le monde est dans mon jardin.
Alors qu’il la voit couper les fleurs fanées, arracher les mauvaises herbes, admirer les camélias, espérer les roses de Noël, il reçoit un mail.
Il prépare ses bagages. Il n’est pas prêt à s’inventer des horizons, glisser vers d’infinis paysages au détour des allées, regarder les arbres qui s’élancent vers le ciel.
Une dernière fois il pose son regard sur elle.
Demain, n’importe où dans le monde, il boira de petites gorgées de café le visage heureux…