– En fait on raconte quoi ?
Elles rient
– Ce que tu veux. Tu peux mettre un mot, un texte sur chaque photo, démarrer une histoire.
La petite fille ne sait pas raconter les histoires. Le soleil lui brûle les yeux. Elle les cache. Il n’y a plus que les siens qui la regardent, la fixent.
La petite fille lève un bras.
Elle les entend, elles rient encore.
Le ciment de l’asphalte lui brûle la gorge.
Ne pas bouger, ne pas respirer, ne pas avaler.
Ils veulent la capturer, l’emmener dans leurs livres d’histoires.
Sa queue est grise, ses oreilles pointues, elle n’a pas de bras. Elle fixe la petite fille de ses yeux verts.
Les autres qui ont des bras, ils pointent, ils expliquent, ils dessinent des drapeaux, ils tirent, tracent les frontières, emmènent les grattes-ciels le plus haut possible pour ne plus voir ce qui se passe en bas.
Ils sont six. Ils sont gris. Gris clairs et gris foncés. Ils pensent, c’est dimanche. La terre des samedis n’est plus collée sous leurs souliers.
Les piquets sont alignés, il n’y a plus de neige.
Le noir reste noir.
La petite fille pose les pieds dans le vert. Pas bouger, pas respirer, ne pas avaler. Le vert des prés lui brûle la gorge.
Le lac scintille. Il est rose.
Les drapeaux sont plantés dans le noir. Avec les doigts au bout des bras ils ont mis des couleurs pour faire joli dans les livres d’histoires.
La petite fille lève l’autre bras.
Pas bouger, pas respirer, ne pas avaler, ne pas monter dans les grattes-ciels, Plonger dans le lac, oublier les drapeaux, les frontières.
Il y a des arcs-en-ciel dans le désert
La petite fille le sait.
Elle les entend, elles rient encore.